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There is a light
20 janvier 2014

Ouvrier

"Si tu ne révises pas tes maths, tu finiras ouvrier, comme ton oncle !". C'était l'insulte suprême dans la famille : mieux valait être mort que d'être ouvrier. Bastien n'avait jamais vraiment compris pourquoi, mais c'était ainsi. Son oncle, c'était Jean, le frère de son père . Il travaillait dans une manufacture de pneus. Il était le plus jeune, mais paraissait déjà épuisé. On le voyait une fois par an, pour Noël, et on l'accueillait à chaque fois avec une supériorité bienveillante. C'était le raté de la famille. Le père de Bastien, en revanche, avait réussi : il était médecin. D'ailleurs, il le savait bien : les ouvriers meurent plus tôt que les autres, ils fument et ils boivent, sans doute pour oublier leur misérable condition...Oh, il ne le disait jamais ainsi, mais c'est ce qui se dessinait en filigrane dans ses discours. Jean ne buvait pas. Bastien, du haut de ses douze ans, sentait cependant un certain décalage : ses parents ne parlaient pas pareil lorsqu'il était là. Sa mère, généreuse, le servait plus que les autres et disait en cuisine "Tu comprends, il n'a pas l'habitude de manger du foie gras". Jean n'avait pas d'enfants, et sa femme l'avait quitté quelques années plus tôt pour un agent immobilier. Tout le monde disait qu'il fallait qu'il trouve quelqu'un, une jeune, pas trop intelligente et pas trop belle, juste ce qu'il convient. Alors quand il est arrivé ce soir là au bras de Nathalie, il y a eu comme un froid. Nathalie était grande, la quarantaine, yeux bleus et cheveux chatains. Elle était polie et parlait bien. En la voyant, Bastien s'est dit qu'être ouvrier, ce n'était pas si mal que ça.

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