Peine

Le soleil se levait à peine, pâle rond blanchâtre à travers le brouillard matinal. Le sol regorgeait d'une eau dont il ne savait que faire, la boue collait aux pieds, les flaques arrivaient jusqu'à la limite de mes épaisses semelles. Je marchais d'un pas rapide, en glissant parfois un peu sur les feuilles mortes en décomposition, mais je ne ralentissais pas. Un merle imbécile répétait toujours la même chose, un écureuil, sans doute, balançait des écorces de pommes de pin sur le sol. Il fallait absolument que je le retrouve avant eux. Planquer de la drogue dans une forêt...quelle idée idiote !J'avais reçu le sms de David il y a quelques minutes à peine, j'avais sauté dans un jean sale, enfilé un sweat par dessus le vieux tee-shirt qui me servait de pyjama, chaussé mes Dr Martens. Julie avait été arrêtée, il valait mieux récupérer ce qu'il restait. Je me demandais comment j'avais pu me laisser embarquer dans cette histoire qui ne m'avait apporté que quelques euros, et un nombre incalculable d'emmerdes. J'aurais pu, d'ailleurs, rester dans mon lit ce matin. Après tout, il était peu probable que Julie mentionne mon nom...nous n'avions aucun lien, cette fille était une imbécile habillée comme une pute, suffisamment stupide, visiblement, pour se faire choper. Mais j'avancais tout de même jusqu'au grand arbre mort près duquel nous cachions la marchandise. C'est que personne n'avait voulu ramener ça chez lui, à cause des parents, à cause des frères et soeurs qui fouinent partout. Ce sont des mioches qu'ils devraient embaucher, chez les flics. Il n'y a pas plus doué pour trouver les objets compromettants et foutre la merde. Le tronc était là, noirci, pourri, plein de mousse. La boîte en plastique ne devait pas être loin, sous un tapis de branchages. Je m'accroupis et commencais à fouiller à mains nues. Ca sentait les champignons, c'était glacé, dégueulasse, probablement plein de vers. Cela ne devait pas être loin...J'enfonçais mes doigts plus profondément dans la boue, m'écartais un peu pour vérifier s'il n'y avait pas de point de repère...Mais il n'y en avait pas, et c'était bien le but : même Julie n'était pas assez bête pour faire ça. Je tentai de remettre mes cheveux en place sans me salir le visage et je soupirai...les mains pleines de terre et les cheveux en bataille, j'étais là, comme une idiote, à chercher un tupperware dans la foret à 8h du matin.